À BERLIN, VIEILLIR SANS SE CACHER À LA « MAISON DE RETRAITE GAY »
KOMITID EST ALLÉ ENQUÊTER À BERLIN, OÙ UNE MAISON DE RETRAITE LGBT+ FONCTIONNE DEPUIS 2012. REPORTAGE AUPRÈS DES RÉSIDENT.E.S ET DES SOIGNANT.E.S DE CE LIEU OUVERT SUR L'EXTÉRIEUR.
Dieter, résident du Lebensort Vielfalt à Berlin - Déborah Liss pour Komitid
Depuis 2012, la résidence Lebensort Vielfalt à Berlin propose des logements pour des gays retraités, également ouverts aux jeunes générations et aux femmes lesbiennes. Elle abrite aussi un appartement médicalisé exclusivement dédié aux seniors gays dépendants, une première en Europe. Là-bas, Dietrich, Lutz et les autres peuvent vieillir sans se cacher.
Dietrich ne sait plus très bien quel âge il a, mais il sait qu’il est né en 1947. Il ne sait plus bien non plus depuis quand il habite à la Pflege-Wohngemeinschat (WG) (Colocation avec soins continus) du Lebensort Vielfalt (« lieu de vie de la diversité ») à Berlin. « Peut-être quelques mois, peut-être quelques années », me dit-il. Il est atteint de légère démence, mais il y a une chose qu’il sait : ici, il se sent très bien, il n’a « pas besoin de se cacher » et peut « vivre comme il l’entend ».
De son fauteuil en face de la télévision, il pose un œil doux sur la grande cuisine ouverte de son appartement. Comme les autres parties communes, il la partage avec six autres résidents : Hans-Peter, Horst, Maik, Michael, Lutz et Dieter, qui ont entre 53 et 76 ans. Les portes de leurs chambres se succèdent le long du couloir, juste après la salle de bain aménagée et la rampe qui permet de s’exercer à la marche.
FIER DE SON COMPAGNON
Dieter, 53 ans, réussit tous les jours à y faire quelques pas tout seul, alors qu’un AVC l’avait contraint à se déplacer en fauteuil. Lutz est fier de son compagnon, qu’il a rencontré en ces murs. Comme un adolescent, il a mis une photo d’eux en fond d’écran de son ordinateur. Sa chambre est colorée, à l’image de son fauteuil roulant flanqué d’un autocollant arc-en-ciel. Les chapeaux et casquettes côtoient les colliers de fleurs et les photos de famille. Un décor qui contraste avec la chambre de Dietrich. Il y trône des tableaux, des photos en noir et blanc, et beaucoup de livres. Comme le dit l’aide-soignant, Julian*, il pourrait s’agir de n’importe quelle chambre de résidence pour personnes âgées.
Sauf que tou.te.s les soignant.e.s font partie de la communauté LGBT+. « Ce n’est pas un pré-requis, raconte Julian, mais, de fait, c’est le cas ». Dietrich raconte qu’il était très important pour lui d’avoir des soignant.e.s « ouverts ». Maik et Dieter ont vu leur vie basculer après leurs AVC, et ils avaient besoin de pouvoir se reconstruire dans un cadre accueillant.
Chaque résident de la « WG » paye entre 420 et 490 euros de loyer, charges comprises, auxquels il faut ajouter 230 euros pour les courses et le ménage.
UNE VIE DE COLOCATION PRESQUE BANALE
Le Lebensort Vielfalt a été créé en 2012 par la Schwulenberatung (le « centre d’accueil gay ») dont il partage les locaux. Sa construction a coûté six millions d’euros et a pu se faire à l’aide de différentes fondations, de dons et d’un emprunt. Aujourd’hui, il est financé en grande partie par les loyers. Chaque résident de la « WG » paye entre 420 et 490 euros de loyer, charges comprises, auxquels il faut ajouter 230 euros pour les courses et le ménage. Ils prennent tout leurs repas ensemble, et s’adonnent à leurs activités, parfois collectives, parfois solitaires. Julian montre des photos qui décorent le couloir : la série de clichés, intitulée « De l’ombre à la lumière », est de Maik. « Il a arrêté depuis qu’il est en fauteuil roulant, alors j’essaye de l’encourager à s’y remettre », raconte Julian.
En cette jolie journée d’octobre, il compte emmener quelques résidents au zoo, non loin de leur quartier de Charlottenburg, dans l’ouest berlinois. Le week-end venu, certains auront de la visite de leur famille et ami.e.s. Ils sont peu à être originaires de Berlin. Mais Dietrich s’est beaucoup rendu dans la capitale avant d’y vivre, parce qu’il aimait « l’esprit d’ouverture qui y régnait ».
Bernd, résident du Lebensort Vielfalt à Berlin – Déborah Liss pour Komitid
LE SPECTRE D’UNE VIE DE MÉFIANCE
C’était l’objectif du Lebensort Vielfalt : créer un lieu de diversité et de solidarité, et, avant tout, un lieu « safe ». Bernd Gaiser, 70 ans, co-fondateur du lieu et porte-parole des résidents, estime que ces espaces « communautaires » sont nécessaires :
« Quand j’organisais des activités pour seniors avec la Schwulenberatung, j’ai remarqué que tous ces gens avaient beaucoup caché leur homosexualité. J’ai connu un homme qui avait barré mon nom de sa liste de visiteurs à sa résidence « classique » car il avait trop peur que l’on sache qu’il était gay ».
Il raconte que cette peur est due à l’article 175 du code pénal allemand, qui criminalisait l’homosexualité masculine de 1871 à 1994 et sur lequel se sont basés les nazis pour déporter des hommes gays mais aussi (dans une moindre proportion) des femmes lesbiennes.
« Aujourd’hui, on a des résidents qui organisent des fêtes pour leurs 30 ans de vie commune, et leurs “ 30 ans de séropositivité ”
Jusque dans les années 1970, des milliers d’hommes ont été condamnés, parfois à des peines de prison.
En plus de la « WG », le bâtiment du 59/60 de la Niebuhrstrasse abrite 24 autres appartements, où vivent d’autres hommes gays âgés, quelques femmes lesbiennes et quelques jeunes gays. Un microcosme bienvenu, s’amuse Bernd Gaiser : « Aujourd’hui, on a des résidents qui organisent des fêtes pour leurs 30 ans de vie commune, et leurs “ 30 ans de séropositivité ”, avec beaucoup d’humour. Environ la moitié des résidents sont séropositifs, précise-t-il. « C’est exactement le genre de choses qui ne seraient pas possible dans une résidence classique ».
L’ABOUTISSEMENT DE 40 ANS DE LUTTES
Dans son F1 à mezzanine, entre ses centaines de livres, de photos et de plantes, Bernd se rappelle son arrivée à Berlin, vers vingt ans, et son coming-out : « Dans les milieux militants de l’époque, le mot d’ordre était “ Rends-toi visible ! ”. Mon coming out a été libérateur. »
Il sera de toutes les luttes, fêtera l’ouverture du « SchwuZ » (institution de la nuit et de la culture berlinoise) en 1977, créera la première « CSD » (Marche des fiertés) en 1979. Il se rappelle ces professeurs homos qui se faisaient renvoyer et qu’il avait accompagnés, les combats et les victoires juridiques. « Aujourd’hui, la société a changé », estime-t-il.
En témoigne l’attitude du voisinage : à l’ouverture du Lebensort, l’un des résidents souhaitait que soit installée une entrée sécurisée, par peur d’actes malveillants. Il en a été décidé autrement, et sans regret, raconte Bernd :
« Tout se passe très bien. Une fois par an, nous organisons une fête dans notre jardin, et un vide-grenier, en invitant le voisinage, qui vient bien volontiers ».
Ce grand jardin pourrait bien être remplacé par un nouveau bâtiment. Victime de son succès, le Lebensort Vielfalt affiche une liste d’attente de 400 personnes. Une nouvelle résidence est en passe d’être ouverte, au printemps prochain, dans un autre quartier de Berlin, pour accueillir 79 résident.e.s. Une troisième résidence est dans les tuyaux, mais les habitant·e·s de la Niebuhrstrasse s’opposent à la disparition de l’espace vert qui accueille des barbecues dans les beaux jours et dont s’occupe la « team jardin ». Ils et elles ont obtenu un compromis : « pas touche » au jardin pendant 3 ans. Ensuite, « on verra », sourit Bernd.
*le prénom a été changé
Déborah Liss
Komitid+
https://www.komitid.fr/2020/01/23/berlin-vieillir-maison-de-retraite-gay/
Komitid est allé enquêter à Berlin, où une maison de retraite LGBT+ fonctionne depuis 2012. Reportage auprès des résidents de ce lieu ouvert sur l'extérieur.
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